Compostage et destruction des pathogènes Enregistrer au format PDF

Que se passe-t-il lors du processus de compostage et plus spécifiquement dans le cas du compostage de résidus de toilettes sèches.

Le compostage est un processus naturel de décomposition des matières organiques. Notre composteur, qu’il serve pour les résidus de cuisine, de jardin, de toilettes sèches ou du mélange des trois, suit un processus identique à ce que l’on observe en forêt où la vie du sol digère tout : feuilles, branchages, déjections, carcasses d’animaux… Au fil du temps, toutes les matières organiques sont décomposées et intégrées dans la structure du sol, le compostage transforme les déchets organiques en nouvelles ressources pour les plantes. À l’issue d’un processus de compostage bien mené, nous pouvons observer un terreau fin et de couleur sombre, identique à l’humus des forêts.

De nombreux ouvrages traitent parfaitement et en détail des techniques de compostage. Parmi tant d’autres, citons par exemple le livre « Composts et paillis » de Denis Pépin [1], un film « Le compost », et pour en savoir plus sur la vie dans le sol : «  Le sol, la terre et les champs  » de Claude Bourguignon, éditions Sang de la Terre, «  Les jardiniers de l’ombre  » de Blaise Leclerc, éditions Terre Vivante, les livres de Pierre Rabhi…

Dans cet article nous allons nous intéresser plus spécifiquement au compost de toilettes sèches.

La grosse différence entre le milieu naturel qu’est la forêt, ou encore le compost de restes de cuisine-jardin, et notre compost de toilette sèche, réside dans la forte concentration en germes pathogènes de ce dernier.

Rappelons brièvement que les germes pathogènes susceptibles de contaminer l’humain se développent préférentiellement dans les conditions proches de celles de nos intestins, entre autres milieu anaérobie (absence d’oxygène), humide (plus de 70%) et tiède (autour de 37°C). Les priver de ces conditions pendant un temps suffisant (variable selon les germes) permet de les détruire.

Pour ne courir aucun risque, risque néanmoins très limité puisque la contamination se fait par ingestion, nous allons hygiéniser notre compost de toilette sèche, nous assurer d’une destruction optimale des organismes pathogènes, ceux qui sont susceptibles de nous rendre malades.

Nous ne pourrons jamais être certains qu’ils sont tous détruits à 100%, certains sont très résistants : pour exemple des vers parasitaires peuvent survivre plusieurs années sous forme de kystes ou d’œufs. Mais en faisant jouer le bon sens du maraîcher (par exemple ne pas épandre du résidu frais de toilettes sèches sur des légumes se consommant crus), le risque de contamination par ingestion sera réduit à un facteur insignifiant. Quoi qu’il en soit, dans la vie le risque zéro n’existe pas !

Le simple fait de déféquer, de sortir les organismes pathogènes de leur milieu naturel, de les soumettre à l’air et à la lumière, va assurer la destruction d’une bonne partie d’entre eux. Pour ceux qui ont résisté, nous allons créer un milieu qui leur sera hostile, nous allons les soumettre à des conditions défavorables.

Les deux méthodes de traitement par compostage :

  • Traitement thermique : la chaleur est un des moyens les plus efficaces pour tuer les pathogènes. Plus la température est élevée, plus l’inactivation est rapide. Une température maintenue à plus de 55°C (qui peut monter jusqu’à 70°C et plus dans un tas de compost de taille suffisante) pendant une semaine assure une hygiénisation efficace, on parle de compostage thermophile. C’est ce qui se passe dans le traitement de grandes quantités comme peuvent le pratiquer les plate-formes de compostage, ou dans les tas de fumier des éleveurs : la fermentation des matières organiques dans le compost produisant de la chaleur, plus le tas est grand et plus la température peut monter et rester élevée un temps suffisant (grâce à l’inertie apportée par un volume et un poids importants). Cette technique sera délicate à pratiquer à l’échelle familiale par manque de matières, il sera difficile d’avoir une montée en température suffisante avec des apports fréquents de petites quantités et nous serons rarement certains que l’ensemble du tas est resté suffisamment longtemps à la bonne température. Dans la plupart des toilettes sèches, à composteur intégré ou dissocié, la température est plus proche de 20° que de 55°, le compostage est dit mésophile.
  • Traitement par le temps : c’est la forme la plus simple de traitement. L’action conjuguée d’un compostage à froid (mésophile) et d’une durée suffisante (sous nos climats on préconise 1 an et demi [2] sans apport de matière fraîche) est une méthode efficace. Elle est généralement utilisée par les utilisateurs de Toilette à Litière Bio-maitrisée dont Joseph Országh [3] a fait la promotion pendant plus de 30 ans. Nous vous conseillons vivement de consulter ses propositions et son argumentaire passionnants et très complets. Dans le cas du traitement par compostage de longue durée, nous réunissons plusieurs conditions défavorables pour les organismes pathogènes résistants : baisse d’humidité, milieu aérobie, diète, compétition avec les micro-organismes du sol. Un capteur solaire passif (simple plaque de tôle peinte en noir et bien exposée) permettra une accélération du processus par augmentation de la température, défavorable aux pathogènes, favorable aux décomposeurs. Cette méthode est utilisé par des milliers de foyers de manière plus ou moins empirique mais sans risque avéré.

Deux autres méthodes de traitement sont plus spécialement utilisées pour les toilettes sèches à séparation d’urine [4] :

  • Traitement par déshydratation : cette méthode est plus spécifiquement adaptée pour les pays chauds et secs, ou lorsqu’il est possible d’ajouter un système de chauffage à la cuve de stockage. Elle est assez efficace mais certains pathogènes peuvent reprendre leur développement si le taux d’humidité remonte.
  • Traitement alcalin : l’addition régulière de chaux ou de cendre facilite l’inactivation des pathogènes par élévation du pH (pH < 7 = milieu acide, pH > 7 = milieu alcalin). Ce type de traitement présente un inconvénient majeur : le produit obtenu va être difficile à réintroduire dans le cycle agricole. D’une part il ressemblera plus à un mortier qu’à un terreau (trop compact), d’autre part son pH sera trop élevé pour convenir à la majorité des terrains et cultures de nos régions tempérées.

Le sujet gagnerait à être étudié plus systématiquement et scientifiquement. Pour cela, il faudrait une volonté politique et l’obtention de budgets pour la recherche et les analyses. Nous n’en sommes pas encore là, il nous reste à continuer nos recherches empiriques, avec toutefois la certitude que notre compost de résidu de toilettes sèches, utilisé en jardinage ou abandonné dans un coin du jardin, est potentiellement contrôlable et infiniment moins dangereux et nocif que la dissémination des pathogènes dans les milieux aquatiques pratiquée par le tout-à-l’égout.

En ce qui concerne le composteur (réceptacle où nous allons déposer nos résidus et dans lequel va se faire le compost) de plus en plus de communes ou syndicats en proposent à prix coûtant. Mais vous pouvez aussi le construire vous-même en respectant certaines préconisations de bon sens désormais conforme à la réglementation.

[1apparemment plus disponible sur le site de Terre Vivante qui annonce les stages et formations de Denis Pépin

[2jusqu’en 2014 le délai de sécurité était de 2 ans, il a été réduit à 1 an et demi par l’ADEME et à 1 an suite à l’étude « Gestion des sous-produits de toilettes sèches familiales » réalisée par Toilettes Du Monde et le RAE-Intestinales, cf page 50

[3nous avons la tristesse de vous annoncer que József ORSZÁGH nous a quitté le 14 octobre 2020 à l’age de 83 ans

[4Nous vous invitons à consulter le document intitulé « Conseils Pratiques pour une Utilisation de l’Urine en Production Agricole » sur le site de SuSanA

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