Le 1er septembre 2005, nous avons décidé de démonter les toilettes à eau que nous utilisions depuis dix ans pour passer « au sec »
Coût de l’opération
* quatre heures de travail : dépose de l’appareil à eau, fabrication du siège avec un bout de contreplaqué de 15 mm d’épaisseur récupéré, pose de l’abattant récupéré de la toilette à eau existante, fabrication d’une sortie de ventilation en gouttière zinc récupérée je ne sais où, percement du plafond, de l’isolation et de la volige de couverture du toit de la maison, fabrication du composteur avec quatre palettes récupérées et quelques bout de fil de fer.
* et une quinzaine d’euros environ : comprenant le prix de la poubelle, la gaine de ventilation, quelques vis, le coût du gas oil pour aller chercher ces matériaux chez le marchand.
L’habillage définitif de cet équipement
pourrait multiplier par deux le temps de travail et le coût de la matière première selon le degré esthétique de la finition. Ce n’est pas encore fait à ce jour (juin 2007).
Type d’usage
On peut considérer sur un cycle annuel que nous occupons notre maison quotidiennement comme un couple sans enfant travaillant à l’extérieur.
Mise en œuvre pratique
Nous urinons et déféquons dans la poubelle exactement comme dans des toilettes à pollution de l’eau. Nous recouvrons complètement nos excréments de sciure et y joignons le papier. Quand la poubelle est pleine, nous allons la vider dans le composteur. A l’usage nous constatons que nous vidons la poubelle dans le composteur du jardin en moyenne une fois toutes les deux semaines. A chaque vidange de la poubelle dans le composteur, nous recouvrons d’herbes sèches, foin ou paille, selon les arrivages saisonniers. Cela permet, par l’action du vent, la dessication du mélange qui contient de la sciure, des matières fécales et de l’urine, tout en empêchant le fouissage par des petits animaux de passage et la vue directe par les voisins. La poubelle étant vidée, nous la nettoyons à l’eau, et au savon. Une fois sèche, elle est remise en service, avec une couche d’une dizaine de centimètres d’épaisseur de sciure au fond. L’opération de vidange prend entre cinq et dix minutes.
Nous récupérons la sciure gratuitement chez un scieur. Nous en consommons très approximativement de l’ordre d’un demi mètre cube par an.
Le composteur
Le remplissage de ce composteur
nous prend huit mois à notre rythme de production, étant donné que le volume approximatif du conteneur est proche d’un mètre cube environ. Quand il est plein, nous le recouvrons d’une bâche protectrice de la pluie, nous en créons un autre dans un autre endroit du jardin. Nous avons pu constater que le compostage dans ces conditions se fait en une douzaine de mois environ, c’est à dire que le résidu de nos excréments, s’il est humide, ne sent pas autre chose que le terreau vendu en sac par les jardineries, et que les petits grains de sciure ne sont plus repérables au toucher ni à la vue. Un des intérêts premiers de cette durée d’un an, souvent énoncée dans les textes mais ici validée par l’usage, est que nous sommes sûrs que le compost a bien été soumis à toutes les conditions climatiques de chaud, froid, sec et humide.
Il n’y a aucun matériau entre le contenu du composteur et la terre. Les résidus sont en contact direct avec la vie du sol à cet endroit.
Le compostage
Nous agissons pour le compost avec pour principe que les germes pathogènes qui peuvent nous être nuisibles hors de notre corps et qui sont éventuellement disséminés dans l’air, l’eau ou la terre par le cycle complet des toilettes à compost, sont au cours de ce cycle soumis à des conditions de température et d’humidité très éloignées de celles auxquels ils sont habitués et qui leur sont favorables. Ils sont dans notre corps à 37,5° et à 70% d’humidité, alors qu’au long de leur année en composteur, ils vont se trouver à différentes périodes loin de cette température et de ce taux d’humidité. Ils vont de plus être environnés par des organismes vivants qui, eux, vivent habituellement dans le sec ou dans le froid, dont ils peuvent devenir les proies. La concurrence et les relations de prédation entre organismes vivants vont donc jouer à plein, au détriment vraisemblable de nos résidus pathogènes pour les humains.
Nous pensons que la dessication est une voie d’hygiénisation efficace parce qu’elle handicape considérablement les germes que nous redoutons, les rend fragiles à la prédation par d’autres organismes et qu’elle est facile à atteindre puisqu’elle ne nécessite que du courant d’air dessicant et un bâchage étanche à la pluie durant tout le compostage, deux éléments facilement disponibles. Une installation « chauffante », soit par énergie solaire apportée soit par réaction exothermique du compost, serait tout aussi efficace et sans conteste plus rapide mais nécessiterait un équipement plus élaboré.
Au bilan
Nous utilisons depuis cette année 2007 le compost issu de ce cycle dans notre jardin potager pour les salades, les tomates, les patates, les cucurbitacées, et les petits pois, tout en sachant qu’aucune des personnes ayant utilisé notre toilette à compost dans l’année précédente ne nous a déclaré être atteinte de maladie intestinale ou urinaire dangereuse. La sciure qui apporte beaucoup de carbone au composteur, rééquilibre la forte quantité d’azote présente dans l’urine afin d’améliorer la réutilisation du compost par les plantes. Cet été et cet automne, nous pourrons peut-être mesurer l’influence de ce matériau sur la productivité du jardin.
Il n’y a aucune odeur durant la saison froide dans la maison puisque, notre domicile étant chauffé, un courant d’air suffisant par convection de l’intérieur vers l’extérieur, extrait l’air de la poubelle et l’expédie au dessus du toit. Pour l’été, il est utile de maintenir une fenêtre ouverte dans la salle de bain afin de créer un courant d’air. Ceci ne commence à être repérable qu’à partir d’une semaine sans vidange environ. Un extracteur mécanique type ventilation motorisée, ou une vidange systématisée de la poubelle chaque cinq jours seraient aussi des solutions pour tuer les odeurs l’été. Le tube de ventilation actuel est de diamètre 100 mm, ce qui est peut-être un peu trop grand dans la situation présente, mais la sortie à l’arrière de l’abattant n’est que de diamètre 60 mm ce qui semble plutôt adapté. Si la sortie sur toiture de la ventilation est plus éloignée, il peut être judicieux d’augmenter le diamètre de sortie à l’arrière de l’abattant, quitte à installer un volet de régulation du flux d’air extrait réglable selon les conditions saisonnières de la météo.
Nous avons réduit notre consommation d’eau d’une vingtaine de mètres cubes annuels ce qui correspond assez bien aux consommations moyennes. En effet, les Français utilisent un peu plus d’une cinquantaine de litres par jour et par personne, dont un tiers sur leur lieu de travail, d’enseignement, de repas de midi ou de loisirs, lieux qui ne sont que rarement équipés de toilettes à compost. Il faut donc s’attendre à une épargne d’eau de dix mètres cubes par an et par personne suite à l’équipement à son domicile de toilettes à compost en remplacement des toilettes à dispersion de la pollution par l’eau. Une économie qu’aucun système de rétention d’eau de pluie ne réalisera jamais pour le même prix en euros et en travail.
Mais ce qui nous paraît être la plus grande retenue d’impact à l’environnement est la moindre pollution des eaux de surface dans les fossés, ruisseaux, rivières, fleuves, et océans. Le fait de retenir l’azote sur terre par le compostage à l’abri de la pluie, évite à l’oxygène dissous de s’associer à l’azote emporté dans l’eau au détriment de la respiration des poissons et autres animaux aquatiques ou amphibiens, tout autant qu’il évite à l’oxygène d’être capturé par les végétaux aquatiques proliférants, « dopés » par le déversement d’azote autant issu de nos urines et récolté par les stations d’épuration, que récupéré par les orages sur les champs épandus d’engrais. Les végétaux aquatiques proliférants sont en effets de redoutables concurrents des poissons pour la course à l’oxygène. Et les « zones de la mort » dans l’océan ont une expansion très inquiétante.
Alain le 17 juin 2007
N.B. Les Français envoient environ six cent mille tonnes d’azote dans l’eau chaque année (10 kg par personne et par an). Les agriculteurs épandent 2,5 millions de tonnes (source Solagro) dont 0,9 Mt filent à la rivière. Sur les 0,6 Mt que nous urinons, si on croit les stations d’épuration, c’est la moitié qui part à la rivière soit 0,3 Mt. Donc la contribution des urinoirs, c’est trois fois moins que la contribution des lessivages de sols agricoles.
Même si l’effort de retenue à accomplir par les agriculteurs est trois fois plus important que celui à accomplir par les particuliers, notre contribution d’animaux vivants à la pollution des eaux est loin d’être négligeable.