Avantages et contraintes des toilettes à séparation d’urine.
Ces toilettes sont encore relativement peu répandues en France, ce sont pourtant les plus fréquentes dans le Monde. La terminologie anglophone « Urine Diverting Dry Toilet » (UDDT) devrait plutôt être traduite en français par « toilettes sèches à déviation d’urine », mais les francophones emploient plus fréquemment le terme de « toilettes sèches à séparation d’urine », souvent raccourci en « toilettes à séparation ».
A l’origine de l’idée de séparer urine et fèces, il y a ce constat :
- l’urine représente des volumes importants (de 1 à 1,5 L par personne et par jour), concentre environ 80% des nutriments (N, P, K) présents dans nos excrétas et est généralement stérile
- les fèces sont peu abondantes (100 à 150 g par personne et par jour), ne concentrent que 20% des nutriments et contiennent des germes pathogènes longs à détruire par compostage.
Partant de là, la séparation de l’urine et des fèces permet :
- de réduire les volumes de matières à hygiéniser (seules les fèces contiennent des germes pathogènes)
- de pouvoir valoriser rapidement la majeure partie des nutriments excrétés (en utilisant l’urine comme engrais liquide). Le moyen le plus efficace pour satisfaire ces objectifs est de séparer les urines et les fèces à la source, c’est à dire au niveau de l’assise des toilettes grâce à un siège séparateur spécifique. Ce siège permet d’envoyer les urines à l’avant dans un réceptacle de stockage tandis que les fèces tombent à l’arrière dans un autre réceptacle.
Les urines stockées peuvent être utilisées diluées comme fertilisant après un stockage de 1 à 6 mois. Sans ajout de matières carbonées, mouches et odeurs ne peuvent être maîtrisées, le réceptacle des fèces doit donc être ventilé de manière passive ou mécanique. Contrairement à ce qu’on peut lire parfois par abus de langage, ces matières desséchées (fèces + papier toilette) ne sont pas du « compost ». Leur taux d’humidité est trop faible et leur rapport C/N (Carbone/Azote) bien trop bas (<10) pour permettre un processus de compostage.
Ces matières desséchées peuvent être hygiénisées par incinération, compostage ou lombri-compostage. L’hygiénisation par compostage nécessite des apports de matières carbonées et d’un peu d’eau pour établir des conditions favorables au compostage. Le lombri-compostage est moins exigeant car l’apport initial de vers de fumier (Eisenia foetida) en quantité permet une décomposition des matières sans rééquilibrage du taux d’humidité et du rapport C/N. Des ajouts de matières sèches (terre, cendres) sont parfois préconisés pour recouvrir les fèces afin d’éviter mouches et odeurs si la ventilation passive ne suffit pas.
L’urine représentant près de 90% du poids de nos excrétas, les toilettes à séparation facilitent ainsi grandement les opérations de maintenance et de traitement des fèces. En contrepartie, il y a des volumes importants d’urine à stocker et à valoriser. L’épandage d’azote est plafonné légalement à 170 kg d’N/ha par an dans la Directive Nitrates. En se basant sur une excrétion annuelle de 4 kg d’azote via l’urine par personne [1], pour ne pas dépasser la norme européenne, il faudrait donc une surface minimale d’épandage de l’urine de 235 m² par personne et par an. Près de 1000 m² de jardin nécessaires donc pour une famille de 4 personnes…
Face à cette forte contrainte d’espace, certains fabricants et revendeurs proposent l’évacuation des urines déviées vers le système d’assainissement des eaux grises. La charge azotée des eaux à traiter en sera grandement modifiée et la majeure partie de l’azote présente dans nos excrétas n’aura pas été valorisée. Ce mode de gestion s’éloigne déjà fortement des principes de l’assainissement écologique.
Une autre option proposée par certains est de rediriger les urines déviées vers le composteur. Avec cette dernière option, on peut se demander si cela vaut la peine de séparer urines et fèces pour les mélanger par la suite… S’il s’agit d’espacer les vidanges ou de réduire les volumes à vidanger, on peut imaginer des systèmes de toilettes à compost qui répondent bien à cet objectif. En Suède où les toilettes à séparation sont très répandues, les urines stockées dans des citernes sont collectées par des agriculteurs pour la fertilisation des terres agricoles.
Parmi les toilettes à séparation d’urine, on classe parfois les toilettes à séparation gravitaire, dans lesquelles urine et fèces tombent dans un même réceptacle où les liquides vont être drainés. L’urine va donc percoler à travers les matières fécales, y être contaminée et devra donc être hygiénisée avant utilisation au jardin. Avec cette technique, les volumes de matières à traiter sont effectivement réduits, ce qui permet d’espacer les vidanges et de limiter l’encombrement des aires de compostage. En revanche, les urines étant contaminées au contact des fèces, la valorisation agronomique n’est pas vraiment facilitée. Par souci de clarté, nous considérons ces systèmes comme des toilettes à compost (ou unitaires) particulières dans lesquelles les lixiviats sont gérés différemment (évaporés, épandus ou évacués) afin de limiter les apports en litière carbonée. Parmi ces systèmes de séparation gravitaire, on peut citer notamment les tapis roulant des Sanivertes de l’entreprise Sanisphère (pour les équipements publics) et d’Écodoméo (pour les particuliers).