Épuisement des ressources naturelles

En cultivant la terre, nous prélevons au sol des nutriments (azote, phosphore et potassium principalement). Pendant des millénaires, l’homme (comme les animaux) a restitué ces éléments nutritifs aux sols via nos excrétas?. Au début du XIXe siècle même en France, la ville est "une productrice non pas de déchets, mais de matières premières agricoles." [1]

Les chimistes Boussingault et Liebig ont estimé qu’un individu produisait chaque année "274 kg d’un engrais excessivement riche, suffisant pour fournir d’azote 400 kg de blé, ou représentant la fumure annuelle de 20 ares de terre." [2]

A partir des années 1880, l’agriculture française va rechercher d’autres gisements de fertilisants que les excrétas urbains. L’étalement et l’accroissement urbain vont rompre les liens d’échanges qui existaient entre ville et campagne. Les travaux des chimistes du XIXe siècle, analysant des fumiers animal et humain, ont mis en évidence le rôle de l’azote, du phosphore et du potassium dans la croissance des plantes. Des gisements de phosphore sont découverts en Afrique du Nord, le bassin potassique est découvert en Alsace au début XXe et des procédés sont mis au point pour synthétiser du sulfate d’ammoniaque dans les fours à coke (charbon) puis pour extraire l’azote de l’air. Le développement de l’agriculture intensive va accroître de manière exponentielle ces besoins en engrais de synthèse.

En 1961, l’agriculture mondiale consommait 31 millions de tonnes de fertilisants chimiques [3]… en 2012, ce sont 180 millions de tonnes qui ont été utilisées. [4]

L’azote est extrait de l’air qui en contient 80%, mais ces procédés sont de forts consommateurs d’énergies fossiles. Potassium et phosphate sont extraits dans des mines polluantes et gourmandes en énergie. Le potassium est l’un des 7 éléments les plus abondants de la croûte terrestre et les réserves sont estimées à plusieurs centaines d’années au rythme actuel de consommation. Ce n’est pas le cas pour le phosphore, ressource très limitée, dont la quantité et la qualité va diminuer rapidement. De la même manière qu’on parle d’un « pic de pétrole », moment où la production commencera à diminuer, il existe un « pic de phosphore » qui serait atteint en 2030 [5]. Contrairement au pétrole auquel on peut substituer d’autres sources d’énergie, il n’existe pas de substitut au phosphore minier. D’où l’urgence de boucler le cycle du phosphore.

Plus récemment, des chercheurs suédois ont estimé qu’un individu produisait quotidiennement dans ses excrétas 12,5 g d’azote, 1,5 g de phosphore et 3,8 g de potassium [6]. En croisant ces données avec la consommation actuelle d’engrais NPK en France et le rendement moyen du blé [7], chaque individu excréterait ainsi chaque jour de quoi fertiliser la terre nécessaire pour produire 500 g de blé tendre !

Avec l’assainissement conventionnel, ces ressources sont non seulement perdues pour la terre, mais en plus polluent l’eau. "La faim sortant du sillon et la maladie sortant du fleuve" écrivait Victor Hugo dans les Misérables…

[1Sabine Barles, L’invention des déchets urbains, Éd. Champ Vallon, 2005, p.12

[2J.Girardin, A. Du Breuil, Traité élémentaire d’agriculture, 4e édition, Paris, 1885, vol. 1, p. 529

[4ftp://ftp.fao.org/ag/agp/docs/cwfto16.pdf

[6Jönsson et Vinnerås, Guidelines on the use of urine and faeces in crop production, SIDA, 2004

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