Pour ou contre les toilettes à séparation ? Enregistrer au format PDF

Certains opposants aux toilettes à séparation d’urine [1] vont jusqu’à affirmer que "l’urine épandue dans le jardin est susceptible de polluer plus nos réserves d’eau potable que l’épuration classique des eaux fécales" [2] c’est à dire que les toilettes à séparation d’urine seraient plus dommageables pour l’environnement que les toilettes à eau.

La formule de Joseph Orszagh est sans doute volontairement provocatrice, pour dénoncer une perte d’azote par lessivage et la pollution des nappes phréatiques par des nitrates. Les partisans de la séparation s’appuient eux sur de nombreuses études et leurs nombreux retours d’expérience de par le monde.

Qu’en est-il ?

Des pertes d’azote inévitables ?

Si le stockage de l’urine dans des réceptacles fermés évite les pertes azotés par volatilisation de l’ammoniac, des pertes azotées ont lieu lors de l’épandage dans le sol. Une étude de l’Université d’Agronomie de Stockholm reconnaît une perte de 37 % d’azote minéral en 28 jours avec de l’urine épandue dans le sol [3]. La fertilisation par l’urine provoque certes une perte considérable de nutriments, mais certaines études accusent également le compostage d’urine et de fèces mélangées de perdre jusqu’à 80% d’azote par volatilisation [4]. Les plus raisonnables s’accordent à dire que la perte d’azote par compostage est de l’ordre de 10 à 50 % selon l’équilibre du compost et le nombre de brassages [5].

Quelle que soit la technique utilisée, les pertes azotées semblent donc inévitables, soit par volatilisation lors du compostage, soit par lessivage quand les urines sont épandues sur le sol.

Pollution des nappes phréatiques

Concernant la pollution des nappes par les nitrates lessivés suite à l’épandage d’urine sur les sols, il faut bien reconnaître que les partisans des toilettes à séparation ne se sont pas trop souciés de la question et se limitent à conseiller les taux d’application en vigueur dans l’agriculture conventionnelle, soit un maximum de 170 kg d’azote/ha/an selon la Directive Nitrates. L’urine est un engrais liquide complet (N, P, K) particulièrement riche en azote, similaire aux engrais azotés de synthèse, il pourrait donc poser des problèmes similaires…

En fait le problème de la pollution par les nitrates ne dépend pas que des apports excessifs d’engrais de synthèse, mais surtout des modes de culture. Dans les systèmes agricoles conventionnels où l’humus est détruit par le labour et le sol laissé à nu pendant l’hiver, il est vrai que l’urine épandue polluera tout autant les nappes phréatiques que des engrais azotés de synthèse. En revanche, avec des modes de culture plus "naturels" avec un sol couvert en permanence (végétation et/ou paillage), des associations végétales et des rotations culturales, l’engrais azoté soluble sera inoffensif pour les eaux souterraines. En effet dans un sol "vivant", l’azote en excès ne sera pas lessivé mais dénitrifié par les bactéries du sol, c’est à dire renvoyé dans l’air sous forme de diazote.

En conclusion, on peut quand même considérer à plusieurs niveaux que l’usage de l’urine comme engrais liquide est déjà bien plus écologique que le recours aux engrais de synthèses (réduction des pollutions liées à l’industrie des engrais de synthèse, valorisation d’un « déchet » en ressource locale, réintroduction de nutriments dans les cycles naturels).

Toutefois cette fertilisation par l’urine devrait être associée à des pratiques culturales respectueuses de l’environnement et ne devrait pas être l’unique amendement apporté aux sols sous risque qu’ils s’appauvrissent en humus et que les nitrates en excès rejoignent les nappes d’eau souterraines. L’application d’urine serait ainsi optimale sur les sols couverts (paillage, BRF, mulch) et amendés de compost ou fumier, ce qui éviterait les pertes par lessivage et favoriserait la formation d’humus.

[1Lire à ce sujet l’article de Joseph Orszagh, Divine urine - source fertile… et quelques précisions

[3Sundin, A. (1999) Human urine improves the growth of Swiss chard and soil fertility in Ethiopian urban agriculture. Thesis and Seminar projects No 112, Department of Soil Science, Swedish University of Agricultural Sciences cité à la page 24 de ce document

[5Eklind, Y. & Kirchmann, H. 2000. ‘Composting and storing of organic household waste with different litter amendments. IIFI Nitrogen turnover and losses’. Bioresource Technology 74(2):125-133. cité à la page 16 de ce document

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